Le syndrome Kabuki (ou syndrome de Niikawa-Kuroki) est une maladie génétique rare, caractérisée par 5 manifestations majeures (cardinales) :
La prévalence du syndrome est estimée à 1 naissance sur 32 000.
Chez 70% des personnes atteintes du syndrome Kabuki, une mutation génétique peut être identifiée.
Elle concerne :
le gène KMT2D, situé sur le chromosome 12 (en position 12q13.12), dans la majorité des cas (56-75%) ;
le gène KDM6A, situé sur le chromosome X (en position Xp11.2), dans 5% des cas.
Cette mutation, dite spontanée ou de novo, n'a généralement pas été transmise par les parents mais s'est produite accidentellement chez l'embryon.
Les protéines codées par ces 2 gènes sont impliquées dans le contrôle de la méthylation de l'ADN, un processus dit épigénétique qui conduit à l'activation ou l'inactivation d'autres gènes.
Les mutations identifiées dans le syndrome Kabuki empêchent ces protéines de fonctionner correctement et de jouer leur rôle (mutations perte de fonction).
Peu est actuellement connu sur les gènes contrôlés par les protéines KMT2D et KDM6A, ni comment cela conduit aux manifestations du syndrome Kabuki.
Lorsqu'il s'agit d'une mutation du gène KMT2D, la transmission du syndrome est autosomique dominante.
Cela signifie que la personne atteinte du syndrome Kabuki a 50% de risque de transmettre la pathologie à ses enfants.
Lorsque c'est le gène KDM6A qui est muté, la transmission du syndrome est liée à l'X.
Un homme (avec des chromosomes sexuels XY) atteint du syndrome Kabuki transmettra son unique chromosome X, porteur du gène KDM6A muté, à l'ensemble de ses enfants, filles (chromosomes XX) et garçons (chromosomes XY). Le risque d'avoir des enfants atteints du syndrome n'est actuellement pas bien connu.
Un diagnostic pré-implantatoire ou un diagnostic prénatal pourra être proposé à la famille lorsque la mutation à l'origine du syndrome Kabuki est identifiée.
Le syndrome Kabuki est à l'origine de nombreuses manifestations cliniques, dont la présence et la sévérité sont variables d'une personne à l'autre :
Les atteintes du visage, du coeur, des os (scoliose, anomalies des doigts) et le déficit intellectuel sont les plus fréquemment présents.
Les personnes atteintes du syndrome Kabuki ont des traits du visage reconnaissables : des sourcils souvent arqués et raccourcis, des paupières tombantes (ptosis bilatéral), les coins externes des yeux (fentes palpébrales) allongés avec un bâillement (éversion) du tiers externe de la paupière inférieure donnant un aspect maquillé.
Les oreilles sont souvent grandes, décollées ou plus basses (dysplasiques).
Le nez est souvent petit.
La bouche est également petite avec une lèvre supérieure fine et une lèvre inférieure retournée avec un aspect bilobé.
Ces traits particuliers du visage peuvent être à l'origine de difficultés psychologiques et d'intégration sociale (estime de soi, regard de l'autre).
Une fente labiale et/ou palatine est présente chez 1 personne sur 3.
Il peut s'agir d'une fente sous-muqueuse du voile du palais, plus difficile à diagnostiquer.
Trois quarts des personnes affectées ont un palais haut et étroit.
Une insuffisance vélopharyngée, causant une fermeture incomplète du voile du palais lors de la déglutition, peut être présente.
Ces anomalies pouvent être à l'origine de difficultés d'alimentation, d'otites fréquentes et de troubles de la phonation (production des sons).
Les enfants atteints ont souvent des otites à répétition qui peuvent être à l'origine d'une surdité dite de conduction. Ils peuvent également être porteurs de malformations au niveau de l'oreille interne causant une surdité de perception. Ainsi, plus de la moitié des personnes atteintes du syndrome Kabuki présente une perte de l'audition.
Un syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) peut être présent.
Les troubles de succion-déglution
Le syndrome Kabuki est à l'origine de difficultés de succion-déglutition chez 70% des enfants atteints.
L'enfant a du mal à s'alimenter, du fait d'un manque de tonus musculaire (hypotonie), d'une mauvaise coordination des muscles de la bouche ou de troubles de la déglutition.
Les atteintes dentaires
Différentes anomalies dentaires ont été observées chez les personnes affectées du syndrome Kabuki : agénésies dentaires, dents de petite taille, de forme anormale et/ou trop espacées.
Le plus souvent, des dents sont manquantes. On parle d'agénésies dentaires : hypodontie (absence de moins de 6 dents) ou oligodontie (absence de plus de 6 dents), en dentures temporaire et permanente.
Le diagnostic est le plus souvent clinique ; il repose sur l'analyse de la morphologie du visage.
Une confirmation génétique peut être proposée, qui révèlera dans 70% des cas une mutation des gènes KMT2D ou KDM6A.
La prise en charge globale de la personne atteinte du syndrome Kabuki et de sa famille repose sur une coopération pluridisciplinaire médicale pouvant impliquer, selon les manifestions : pédiatre, neuropédiatre, généticien, urologue, ophtalmologue, cardiologue, chirurgien cardiaque, chirurgien orthopédiste, rhumatologue, dermatologue, neurologue, ORL, psychiatre, pneumologue, nutritionniste, endocrinologue, hématologue, chirurgien-dentiste des centres spécialisés (compétents en odontologie pédiatrique, réhabilitation prothétique, implantologie, parodontologie, … ; spécialistes en médecine bucco-dentaire, orthopédie dento-faciale, chirurgie orale), chirurgien maxillo-facial, etc.
ainsi qu'une équipe de professionnels paramédicaux et sociaux : orthophoniste, kinésithérapeute, psychomotricien, ergothérapeute, diététicien, psychologue, éducateur spécialisé, assistant social, auxiliaire de vie sociale,
dont la coordination peut être assurée par le généticien ou un des spécialistes, en lien avec le médecin traitant.
Au sein de la Filière TETECOU, les personnes atteintes du syndrome Kabuki doivent être prises en charge dans :
Le traitement des malformations faciales
Le traitement des malformations faciales, en particulier de la fente labiale et/ou palatine est chirurgical.
Un accompagnement orthophonique est nécessaire durant l'enfance et parfois l'adolescence.
Le traitement des atteintes ORL
Des consultations ORL régulières annuelles sont nécessaires pour contrôler l'audition.
La survenue d'otites répétées peut nécessiter la pose d'aérateurs trans-tympaniques.
Des appareillages auditifs peuvent être proposés en cas de surdité.
Le traitement des troubles de succion-déglutition
Les difficultés d'alimentation dans la petite enfance sont prises en charge, si besoin, au moyen d'une nutrition entérale : sonde nasogastrique ou parfois gastrostomie.
Une prise en charge par un orthophoniste ou un kinésithérapeute pour rééduquer les muscles bucco-faciaux pourra aider à stimuler l'oralité.
Le traitement des anomalies dentaires
Le traitement a pour but de restaurer les fonctions orales : mastication, déglutition, élocution, phonation, et surtout d'améliorer l'esthétique.
L'objectif de ces traitements est de favoriser le bien-être émotionnel et psychologique et de permettre la meilleure intégration sociale, scolaire et professionnelle des personnes.
Il comprend :
la restauration prothétique globale avec le recours notamment aux prothèses amovibles complètes ou partielles (dès l’âge de 3 ans ou dès que la coopération de l’enfant le permet), aux prothèses fixées et aux implants à l'âge adulte, etc.. Des implants peuvent être posés en cours de croissance dans la zone antérieure de la mâchoire inférieure, zone ne subissant plus de croissance à partir de l’âge de 6 ans.
Les précautions pour l'anesthésie
Du fait des malformations faciales, d'éventuelles anomalies cardiaques, et des différentes manifestations cliniques que peuvent présenter les personnes atteintes du syndrome Kabuki, des précautions particulières doivent être prises en cas d'anesthése.
De possibles difficultés d'intubation trachéale doivent être anticipées.
Les personnes atteintes du syndrome Kabuki peuvent bénéficier des programmes suivants d'Éducation Thérapeutique du Patient :
"ETP DentO-RarEduc", destiné aux enfants et adultes atteints de maladies rares orales et dentaires, dont l'oligodontie (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg) ;
"Éducation thérapeutique pour la prévention des complications et l'amélioration de la qualité de vie des enfants atteints de malformations de la face et de la cavité buccale" (Hôpital Necker) ;
"Parcours d'éducation thérapeutique des enfants porteurs d'une fente labiale et/ou palatine et de leurs parents" (Clinique du Val d'Ouest, Ecully) ;
E...change de regard : Programme destiné aux enfants (entre 6 et 11 ans) ayant une maladie rare et souffrant du regard des autres (Hôpital Necker) ;
EDUCADENFANT : Programme d'éducation thérapeutique pour les enfants de 0 à 6 ans et patients porteurs de fentes orofaciales qui sont à risque de carie de la petite enfance (CHU de Lille).
Des ateliers éducatifs, sur l'alimentation par exemple, ou des rencontres avec d'autres parents ou enfants peuvent également être organisés.
Les agénésies dentaires
Les personnes atteintes du syndrome Kabuki et porteuses d'agénésies dentaires peuvent bénéficier des dispositifs de remboursement des soins par l'Assurance Maladie dans le cadre des affections de longue durée dites "hors liste" (ALD 31).
Le déficit auditif
Les personnes atteintes du syndrome Kabuki et souffrant d'un déficit auditif peuvent bénéficier d'une :
Pour les appareils auditifs classiques en conduction aérienne, chez l’adulte de 20 ans et plus, l’Assurance Maladie rembourse 120 € par appareil, les complémentaires santé 350 € en moyenne, soit 470 € au total.
Le coût moyen d’une audioprothèse en voie aérienne, toutes gammes confondues, est de 1535 €.
Le remboursement est complet depuis 2021 grâce à la réforme 100% santé audiologie 2019-2021, chez l’adulte et l’enfant, que la surdité soit uni ou bilatérale, pour une gamme étendue d’appareils (contour d’oreille, intra conduit, appareil à écouteur déporté) à garder au minimum 4 ans, avec un mois d’essai et 2 réglages par an
Consulter les informations sur le site du Ministère de la Santé
Pour une prothèse en conduction osseuse, le coût allait jusqu’à 4200 €, comprenant l’appareil lui-même, la prestation initiale (analyse, adaptation de l’appareil et réglages) et le suivi prothétique étalé sur 5 ans en moyenne.
Depuis novembre 2019, le remboursement des appareils en conduction osseuse Baha® (CochlearTM) et PontoTM (Oticon Medical) est complet et le renouvellement si nécessaire possible tous les 2 ans.
prise en charge par la MDPH
La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) est utile si des aménagements particuliers, notamment scolaires, sont nécessaires (demande d’Accompagnant d'Elèves en Situation de Handicap, AESH, de micro HF).
De même, le dossier MDPH doit être réalisé pour les déficits auditifs s’intégrant dans des syndromes poly-malformatifs dont la prise en charge engendre un surcoût important pour les familles.
Une aide financière peut alors être apportée par le biais de l’AEH (allocation enfant handicapé).
Des groupes de soutien peuvent aider les enfants et leurs familles à faire face à la différence, promouvoir la confiance, la résilience et une image de soi positive.
Il peut s'agir de familles ressources, d’associations de parents d’enfants atteints de la pathologie, ainsi que de groupes de personnes malades sur les réseaux sociaux.
Il existe également des centres d’information sur la surdité.
Next generation phenotyping for diagnosis and phenotype–genotype correlations in Kabuki syndrome
Une collaboration internationale pour réunir une base photographique clinique unique au monde sur le syndrome Kabuki

Vidéo pédagogique de la Filière AnDDi-Rares
Illustrations réalisées par Cassandra Vion, illustratrice scientifique et médicale www.cassandravion.com. Droits cédés exclusivement pour le site internet de la Filière de Santé Maladies Rares de la Tête, du Cou et des Dents (TETECOU) et de ceux de ses centres de référence (CRANIOST, MAFACE, MALO, SPRATON) qu’il héberge