Le syndrome de Crouzon est une maladie génétique rare présente à la naissance (congénitale) ou visible plus tard dans l'enfance. Il est caractérisée par :
à l'origine :
d'anomalies oculaires
La prévalence du syndrome de Crouzon est estimée à 1 sur 50 000.
C’est une des craniosténoses syndromiques les plus fréquentes après le syndrome de Muenke et le syndrome de Saethre-Chotzen.
Le syndrome de Crouzon est dû à des mutations du gène FGFR2 localisé sur le chromosome 10 (10q26), impliqué dans la signalisation cellulaire au cours du développement embryonnaire.
Pr Corinne Collet
Journée Recherche & Innovation 2021 de la Filière TETECOU
Le syndrome apparaît, le plus souvent, à la suite de nouvelles mutations génétiques (néomutations) : ces cas dits sporadiques représentent 30 à 60 % des cas observés.
Le syndrome peut se transmettre héréditairement selon le mode autosomique dominant : le risque qu'un des parents atteints transmette le gène muté est de 50 %, que ce soit une fille ou un garçon.
Au sein d'une même famille, certaines personnes peuvent avoir des atteintes sévères alors que d'autres auront des manifestations plus légères.
Le syndrome de Crouzon est défini comme étant une craniosténose syndromique : la craniosténose n’est pas isolée mais associée à des atteintes d’autres structures ou organes.
Il s’agit d’une faciocraniosténose, c’est-à-dire que la craniosténose est associée à des malformations du visage.
Les manifestations du syndrome peuvent être discrètes à la naissance et devenir davantage visibles au fur et mesure que l'enfant grandit.
Les personnes atteintes du syndrome de Crouzon ont une craniosténose complexe (impliquant plusieurs sutures), le plus souvent bicoronale (fermeture prématurée des deux sutures coronales situées à l'avant du crâne, et qui rejoignent la fontanelle antérieure) à l'origine d'une tête large avec un front plat (on parle de brachycéphalie). D'autres sutures peuvent également être impliquées.
Crédit : CRMR CRANIOST et Filière TETECOU
Brachycéphalie : fermeture prématurée des deux sutures coronales
Ces malformations variables du crâne peuvent être visibles à la naissance mais le plus souvent elles apparaissent au cours de la première année de vie et évoluent jusqu'à l'âge de deux à trois ans environ.
La fusion prématurée des sutures coronales empêche la partie antérieure du crâne de se développer normalement et peut être à l'origine d'une réduction du volume intracrânien et d'une augmentation de la pression dans le crâne (hypertension intracrânienne), pouvant être responsables de conséquences importantes sur la vision et le développement psychomoteur.
Avec la croissance de l'enfant, un aspect de turricéphalie peut apparaître :
Les enfants atteints ont un développement insuffisant (hypoplasie) de la partie moyenne du visage, qui est de plus positionnée en retrait.
La mâchoire supérieure (maxillaire) est trop petite, avec une inversion de l'articulé dentaire (les dents du bas recouvrent les dents du haut).
Le front est proéminent (bosse frontale), l'os du nez est raccourci (hypoplasie) et apparaît courbé et la lèvre supérieure est fine.
La distance entre les yeux est généralement grande (hypertélorisme) et les orbites peu profondes, ce qui fait que les yeux sont saillants (exhorbitisme).
Certains enfants ont également des anomalies de la lèvre et/ou du palais (fente labiale et/ou palatine), sources de difficultés pour téter et s’alimenter.
L'hypertension intra-crânienne peut endommager le nerf optique et provoquer une perte de la vision.
Les personnes atteintes du syndrome de Crouzon ont des orbites peu profondes avec des globes oculaires qui semblent ressortir (exophtalmie).
Par conséquent, pour certains, leurs paupières ne peuvent pas se fermer, entraînant l'assèchement et l'inflammation des couches supérieures de l'œil (kératites) et également des membranes qui tapissent les surfaces internes des paupières et recouvrent le blanc des yeux (conjonctivites).
Les yeux sont plus espacés que la normale (hypertélorisme) et souvent ne pointent pas dans la même direction (strabisme).
Certaines personnes ont des mouvements oculaires rapides et involontaires (nystagmus).
Les personnes atteintes du syndrome de Crouzon peuvent développer une hydrocéphalie, caractérisée par une altération du débit ou de l'absorption du liquide céphalo-rachidien qui circule dans les cavités du cerveau (ventricules) et du canal rachidien, et entraînant potentiellement l'augmentation de la pression des fluides dans le crâne (pression intracrânienne) et le cerveau.
Une ventriculomégalie est présente chez près de 30 % des personnes atteintes du syndrome de Crouzon.
Une anomalie de Chiari est parfois diagnostiquée.
Beaucoup de personnes atteintes du syndrome de Crouzon ont des malformations au niveau des voies aériennes supérieures, du pharynx et du nez.
Elles ont par conséquent des difficultés pour respirer : le ronflement est courant et certains font des pauses respiratoires durant le sommeil (apnée obstructive du sommeil de sévérité variable).
Les problèmes respiratoires peuvent survenir pendant la petite enfance et entraîner des complications potentiellement graves qui nécessitent une prise en charge ORL précoce.
Les personnes peuvent aussi avoir des difficultés pour déglutir et parler.
Les personnes atteintes du syndrome de Crouzon ont souvent un déficit auditif dû à des malformations au niveau de différentes parties de l'oreille ainsi qu'à des otites répétées.
Des anomalies dentaires sont souvent présentes : inversion de l'articulé dentaire, agénésies dentaires (le plus souvent des canines maxillaires), anomalies de l'émail, retards d'éruption, malpositions dentaires, ...
Le diagnostic peut être posé à la naissance ou pendant la petite enfance sur la base de l'examen clinique, notamment par l'observation des malformations du crâne et des traits caractéristiques du visage.
Chez certaines personnes atteintes ayant des manifestations légères, le diagnostic n'est posé qu'à l'âge adulte.
Étant donné que les malformations du crâne font également partie d'autres syndromes, des examens complémentaires peuvent être nécessaires tels qu'une radiographie du crâne pour repérer les sutures impliquées, ou un scanner ou une IRM pour déceler une hypertension intra-crânienne, une hydrocéphalie.
Les spécificités de la craniosténose permettent de différencier le syndrome de Crouzon d'autres faciocraniosténoses (syndromes de Pfeiffer, de Saethre-Chotzen, de Jackson-Weiss, de Beare-Stevenson, d'Antley-Bixler).
La confirmation du diagnostic du syndrome de Crouzon peut se faire par un test génétique moléculaire identifiant les mutations spécifiques dans le gène FGFR2.
La prise en charge du syndrome de Crouzon doit être réalisée par une équipe pluridisciplinaire expérimentée de chirurgiens hautement qualifiés : neurochirurgien, chirurgien plasticien pédiatrique, chirurgien maxillo-facial, chirurgien ORL, chirurgien-dentiste ainsi que des professionnels médicaux et paramédicaux : neuropédiatre, généticien, cardiologue, ophtalmologue, pédiatre, anesthésiste, radiologue, orthodontiste, orthophoniste, nutritionniste, audioprothésiste, psychologue, puéricultrice, auxiliaire de puériculture, infirmier, assistant social.
Chez les nouveau-nés, les traitements les plus prioritaires concernent les troubles de la respiration et l'hypertension intracrânienne.
Les personnes atteintes du syndrome de Crouzon ont besoin de plusieurs interventions chirurgicales de l’enfance à l’âge adulte, qu’il est nécessaire de planifier minutieusement en collaboration avec différents spécialistes en fonction des besoins de chaque enfant, en tenant compte des manifestations et de la croissance du squelette.
Un grand nombre d'interventions chirurgicales, de l'enfance à l'âge adulte, peuvent être nécessaires, ce qui peut être souvent très éprouvant aussi bien pour la personne atteinte du syndrome que pour ses proches. Le soutien psychologique est important.
Le traitement de la craniosténose est exclusivement chirurgical : il a pour but de :
La chirurgie va permettre d’avancer la partie du front et des orbites, qui sont aplatis et déplacés vers l'arrière, avec un geste de remodelage et d'avancement fronto-crânien. La partie de front remodelée et avancée est tenue en place par des vis et des plaques résorbables qui vont disparaître 6 à 18 mois après la chirurgie.
Cette chirurgie est réalisée autour des 7-8 mois de l'enfant.
Dans certains cas, si l’enfant présente également un aplatissement postérieur du crâne, une chirurgie en 2 temps pourra être proposée :
La cicatrice chirurgicale est toujours la même, bien cachée dans les cheveux.
Le risque de réapparition à distance d'une hypertension intracrânienne justifie la nécessité d’un suivi annuel avec des examens ophtalmologiques de fond d'œil (FO) qui vont permettre de détecter rapidement un éventuel problème et programmer si besoin une 2e chirurgie à distance.
Un possible retard d’ossification peut justifier des chirurgies « réparatrices » à l’adolescence.
Une prise en charge ORL précoce est nécessaire pour traiter les troubles respiratoires et pouvoir dépister rapidement un éventuel déficit auditif en vue d'appareiller l’enfant si nécessaire, pour favoriser le développement du langage.
Une prise en charge ophtalmologique est nécessaire pour surveiller l'aspect du nerf optique et dépister un éventuel déficit visuel.
En plus de l’IRM cérébrale, toujours réalisée au moment de la chirurgie pour bien évaluer la présence d’une éventuelle malformation du cerveau, un éléctroencéphalogramme (EEG) et une consultation avec un neuropédiatre sont nécessaires dans la première année de vie.
Les anomalies du palais sont prises en charge chirurgicalement par une équipe puridisciplinaire spécialisée (chirurgien maxillo-facial, chirurgien plasticien) avec un accompagnement orthophonique et un suivi en orthopédie dento-faciale.
Les anomalies dentaires sont prises en charge par une équipe pluridisciplinaire spécialisée (chirurgien-dentiste, orthodontiste, etc.).
Les personnes atteintes du syndrome de Crouzon doivent être prises en charge dans les Centres de Référence ou de Compétence Maladies Rares Craniosténoses et Malformations craniofaciales (CRANIOST).
Les enfants porteurs du syndrome de Crouzon peuvent bénéficier des programmes suivants d'Éducation Thérapeutique du Patient au sein de la Filière TETECOU :
Des ateliers éducatifs, sur l'estime de soi, par exemple, ou des rencontres avec d'autres parents ou enfants peuvent également être organisés.
Dr Giovanna Paternoster
Journée Nationale 2021 de la Filière TETECOU
à venir
Mme Maya Geoffroy
Journée Recherche & Innovation 2021 de la Filière TETECOU
Dr Laurence Legeai-Mallet
Journée Nationale 2021 de la Filière TETECOU
Dr Anne Morice
Journée Recherche et innovation 2023
Pr Federico Di Rocco et Mme Séverine Colinet
Colloque "Recherche en Sciences humaines et sociales" de la Fondation Maladies Rares (2016)